Au cœur d’une mission chirurgicale au Togo
Assis au chevet de sa fille touchée par la maladie de Blount, N’Baota B. a la tête plongée dans un carnet de soins. Cette anomalie de croissance avait progressivement arqué les jambes de son enfant. « C’est un grand jour pour moi, car elle souffre de cette maladie depuis sa naissance. Nous n’avions pas les moyens de la faire opérer. Elle avait du mal à marcher. À la maison, il fallait l’assister pour faire certaines choses. La situation nous a même contraints à retarder son inscription à l’école », raconte ce paysan de 45 ans.
Ce lundi, Céline, sa fille de 11 ans, est la première enfant à être opérée au Centre hospitalier préfectoral de Blitta dans le cadre de la 13e mission chirurgicale pédiatrique de La Chaîne de l’Espoir au Togo. Cette localité est située à 260 km au nord de Lomé, la capitale.
« Nous sommes agréablement surpris par l’affluence. Nous avions anticipé en prenant toutes les dispositions pour le bon déroulement de la mission. Certaines salles ont été aménagées pour la circonstance »
Dr Koumahada Tatoa, directeur de l’hôpital.
182 opérations en 5 jours
La veille, 242 enfants démunis -accompagnés de leurs parents- et âgés de 0 à 15 ans ont été reçus en consultation.
Une longue file d’attente s’est formée. Deux postes ont été installés pour l’enregistrement des jeunes patients et la prise des constantes (poids, température, taille, fréquence cardiaque, tension artérielle, etc.) et quatre cabines d’hospitalisation aménagées pour les consultations chirurgicales et anesthésistes. Des infirmières ont orienté les familles et aidé les enfants ayant des difficultés à se déplacer.
« Le besoin est énorme. Grâce à cette mission, beaucoup d’enfants retrouveront la santé. Le développement durable, c’est d’abord la santé de l’Homme »
Yao Bassambadi Dazimwaï, maire de la commune.
Des besoins immenses
Debout au milieu de la foule, Boko E. tient dans ses bras son fils, Médard. Âgé de deux ans, ce dernier a une fente labio-palatine, aussi communément appelée autrefois “bec-de-lièvre”. Ce chef maçon arrive de Pagala, localité située à environ 20 km de l’hôpital : « Mon enfant est né avec cette malformation. Je suis peiné de le voir dans cette situation. Dans notre village, certains se moquent de moi. J’organiserai une fête à la maison, s’il est opéré avec succès ».
À l’entrée de l’une des salles de consultations, Christophe, âgé de 4 ans, attend patiemment. « Il souffre d’une hernie depuis sa naissance. Parfois, il ressent de fortes douleurs. Il n’arrive pas à marcher et il mange avec peine », explique son père Sèmèkonawo A.
« Toute l’équipe est très motivée pour donner le meilleur d’elle-même »
confie le Dr Elsa Marot, médecin anesthésiste bénévole. Cette dernière participe à sa quatrième mission avec La Chaîne de L’Espoir.
Des enfants sauvés, des parents soulagés
Parmi les 242 enfants reçus en consultation, 124 ont pu bénéficier d’une ou plusieurs interventions chirurgicales par une équipe médicale venue de Lomé, appuyée par une anesthésiste et une infirmière de La Chaîne de l’Espoir arrivées de France.
Hernies, kystes, déviations axiales des genoux, etc. : certains jeunes patients étaient très handicapés par ces pathologies, qui avaient évolué faute de soins. Ils vont désormais pouvoir retrouver une vie normale.
Jacqueline, âgée de douze ans, a bénéficié de deux opérations. Elle a été opérée d’une hernie ombilicale et d’une hernie inguinale gauche (au niveau de l’aine). « Les hernies étaient présentes dès la naissance et la faisaient beaucoup souffrir. Les douleurs étaient parfois insupportables : elle pleurait et se tortillait », raconte sa mère, Assi B.
Bernard, un bébé de onze mois dont les orteils du pied gauche étaient collés depuis la naissance et qui souffrait d’une hernie ombilicale, a lui aussi eu une double opération. « Parfois, son nombril prenait du volume et il pleurait à longueur de journée. J’avais beaucoup de mal à le calmer. Je suis très soulagée qu’il ait pu être opéré », détaille sa mère, Chabidou L., le visage rayonnant de joie.
Au plus près des besoins des enfants
Ces missions itinérantes permettent aux équipes médicales de se déplacer dans le pays pour se rendre dans les hôpitaux de province. Les médecins opèrent directement sur place des enfants vulnérables vivant dans des zones reculées où il est difficile de se faire soigner.
Petit pays de huit millions d’habitants, le Togo compte seulement six chirurgiens pédiatriques, tous en poste à Lomé. « Nous avons installé quatre tables d’opération pour pouvoir prendre en charge un maximum d’enfants », explique le Pr Jean-Pierre Komla Gnassingbé, chef de service de chirurgie pédiatrique au Centre hospitalier et universitaire Sylvanus Olympio de Lomé et chef de l’équipe médicale de la mission.
Et demain ?
« Ces missions sont essentielles car elles sont le seul moyen pour les enfants démunis vivant dans des provinces éloignées de la capitale togolaise de pouvoir bénéficier d’une opération »
martèle Prosper Adigbli.